Barli en Inde, fort du Rajasthan
- Philo
- 8 août
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 13 août
Entre Jaipur et Jodhpur, au cœur du Rajasthan rural, se niche un village que l’on pourrait croire oublié du temps : Barli. Entouré de terres agricoles, ce hameau modeste du district d’Ajmer se situe dans une région encore très rurale. Les ruelles étroites sont bordées de maisons de terre, les femmes aux saris colorés travaillent dans les champs, les enfants jouent pieds nus et les hommes bavardent à l’ombre des acacias.

Dans ce décor pastoral, le Fort Barli, une forteresse du 17ᵉ siècle, domine le paysage. Passer une nuit dans cette bâtisse transformée en hôtel patrimonial, c’est s’immerger dans la noblesse rajput, goûter au luxe à l'indienne tout en observant les contrastes profonds qui traversent encore la société contemporaine.
Localisation
Situé dans le district d’Ajmer, au cœur du Rajasthan, Barli se dévoile comme un point d’étape stratégique entre Jaipur, Jodhpur et Udaipur.
La carte ci-dessous vous permet de distinguer sa position centrale au sein de cette région emblématique de l’Inde du Nord, à l’écart des grands flux touristiques. Barli occupe une position intermédiaire idéale pour les voyageurs qui souhaitent relier le Triangle d'Or (Delhi, Jaipur et le Taj Mahal) à l’ouest plus sauvage du Rajasthan.

Lors de mon tour du Rajasthan en 3 semaines, j'ai passé deux jours et une nuit à Barli, logée dans une suite royale du Fort Barli ! Une expérience inoubliable à plusieurs égards.
Loger au Fort Barli
Dominant le cœur du village, le Fort Barli fut érigé en 1675 par un prince Rajput issu de la prestigieuse lignée des Rathore. Aujourd’hui encore, il appartient à ses descendants directs : Devraj et Divyraj Singh, qui ont fait le choix de transformer le fort royal en hôtel. La présence des héritiers, leurs vêtements traditionnels et leurs récits font planer sur les lieux l’ombre d’un passé royal. On a l'impression de vivre à l'époque de la noblesse et du tiers-état, tant leur train de vie tranche avec la simplicité du personnel qui les entoure.

Transformé en hôtel patrimonial, le Fort Barli a su préserver toute la noblesse de son architecture. Rien n’a été dénaturé : les portes massives en bois sculpté ouvrent sur une cour fleurie, les murs blanchis à la chaux diffusent une lumière douce, et les galeries voûtées mènent à des salons meublés d’objets anciens. Les propriétaires ont intégré, avec discrétion, le confort nécessaire aux voyageurs modernes (mais ça reste tout de même "indian style" et loin des normes occidentales).




Sur les bastions du fort, une piscine, construite sans altérer la structure d’origine, offre un havre de fraîcheur, avec ses transats sur lesquels je vous recommande de siroter une King Fisher beer au coucher du soleil.

Chaque chambre raconte une histoire. Décorées individuellement, elles associent meubles d’époque, tissus traditionnels et vues dégagées sur les paysages ruraux. J'ai eu l'honneur de loger dans la chambre "Kunwar Mahal", littéralement le palais du prince !
Une véritable suite, avec des touches de rouge et un tas d'ornements qui lui donnent un côté royal. Des sculptures en bois peint décorent la pièce et rappellent l’histoire du lieu. Un coin salon, un coin banquette, un grand lit, une bouilloire, une bonne douche, et des espaces extérieurs propices à la détente. Un vrai bonheur.

Pour parfaire cette parenthèse hors du temps, je vous recommande de vous offrir un massage ayurvédique, enveloppé d’huiles chaudes. Vous en ressortirez avec cette sensation de flotter, pour un diner en apothéose !
Le restaurant prolonge véritablement l'art de vivre princier. Les repas, servis dans une salle à manger digne d'un palais, nous ont offert une succession raffinée de plats indiens, cuisinés avec finesse et générosité.
Informations pratiques
Réservations : Fort Barli
Tarifs : A partir de 250 € la nuit
Nombre de chambres : 8 suites décorées individuellement
Activités proposées : visite du fort, charrette à bœufs, massage, yoga, observation ornithologique, cours de cuisine, dîner royal, retraite bien-être
À proximité : lac Dev Sagar, Pushkar, Ajmer, Chittorgarh
Durée idéale : 1 à 2 nuits
➜ J'ai découvert ce lieu avec l'agence Heart of India Travel, qui propose des circuits hors des sentiers battus, entre demeures royales et villages reculés.
Arpenter le village de Barli à pied
Avant de s’immerger dans l’histoire du fort, il faut d’abord prendre le temps de flâner dans les ruelles du village de Barli. Le village est minuscule, vous en aurez fait le tour en moins d'une heure.

Je vous recommande vivement de vous faire accompagner par un habitant du coin, car ici, votre anglais risque de rester sans écho. Mais il vous restera toujours les regards...


En chemin, on croise une foule d'enfants curieux, des cordonniers penchés sur leurs ouvrages, des paysans surchargés et des bandes de vieillards qui partagent un thé brulant.
Les rues sont étroites, bordées de maisons parfois en ruines, parfois fraîchement repeintes de lilas ou de turquoise, avec leurs portes sculptées et leurs encadrements à niches.
Des enfants jouent au vélo, les commerçants discutent sur le pas de leur boutique, les anciens observent la vie, appuyés sur leur canne ou assis à même le sol.

Les fils électriques s’entrelacent au-dessus des têtes, des vaches sortent des maisons, des motocyclettes croisent des charrettes... Et dans ce décor, le Badli Balaji Temple, recouvert de mosaïques miroitées, se dresse comme une apparition brillante !


Barli en charrette à bœufs
Le fort propose une promenade en charrette à bœufs, décorée de coussins moelleux, tirée par un attelage traditionnel.


Bien loin d’une mise en scène folklorique, cette immersion offre un véritable aperçu du quotidien.
Ici, on prend le temps : le temps de saluer, de sourire, d’échanger quelques mots avec les habitants. Grâce à notre guide, qui connaît chacun et pousse doucement les portes, nous pénétrons dans l’intimité des cours intérieures. Nous rencontrons des femmes qui tressent les cheveux des enfants, une grand-mère qui fait cuire des chapatis sur un feu à même le sol ou encore un vieillard qui bichonne sa longue moustache devant un petit miroir ébréché.


La balade se prolonge jusqu’à un ancien terrain de crémation, aujourd’hui désert. On y découvre des cénotaphes typiques du Rajasthan, édifiés à la mémoire des nobles défunts. Ces pavillons coiffés de dômes ne contiennent aucune sépulture : ils symbolisent le souvenir plus que la mort. Leurs voûtes intérieures sont magnifiquement peintes de scènes mythologiques.
On y fait une petite pause sacrée, agrémentée de silence, d'un masala chai et de biscuits indiens. Parce que notre guide a pensé à tout :) Une balade vraiment paisible avec un guide et un chauffeur d'une merveilleuse compagnie !


Splendeur royale vs. hiérarchie sociale
Le Fort Barli fascine par son faste, mais l’émerveillement se teinte vite de malaise lorsqu’on franchit ses portes pour retrouver la poussière et la rudesse de la vie alentour. Le contraste saisissant entre le raffinement princier du lieu et les conditions modestes du village alentour ne peut que questionner.
Car à Fort Barli, comme dans quasiment tous les établissements tenus par des familles rajputs, le système des castes n’est pas une idée abstraite : il s’incarne, se voit, se vit.

Les Rajputs, caste dominante et descendants des anciens seigneurs, conservent un rôle d’autorité, garants d’un ordre hérité. Face à eux, les castes inférieures sont confinées aux tâches les plus pénibles et victimes d'une forme de discrimination.
Pour la petite histoire, mon chauffeur n'a pas été autorisé à diner avec moi dans le restaurant de l’hôtel. On me l’a dit poliment, en m’expliquant qu’il mangeait avec ses collègues, mais cette courtoisie masquait en réalité une pratique qui entretient la séparation des classes et empêche la mixité sociale.
Parcourir un tel lieu, c’est accepter ce double visage : celui du rêve et celui de la réalité, à observer avec lucidité et sans détourner le regard.
À lire : le système des castes au Rajasthan
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