Bikaner, la cité rouge du Rajasthan, en Inde
- Philomène Martinelli
- 11 août
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 13 août
Bikaner, surnommée "la cité rouge", est une ville historique située à l'entrée du désert, au nord-ouest du Rajasthan. Avec ses fortifications couleur ocre et ses havelis (maisons de riches marchands) aux façades ciselées comme de la dentelle, il est très agréable d'y flâner. Ici, je n'ai quasiment pas croisé de touristes dans le dédale de ruelles qui sentent le masala. J'ai surtout passé du temps à marcher au hasard des rues, le nez levé pour admirer les façades, tout en gardant un œil sur mon chemin pour éviter les tuk-tuk et les vaches qui se croisent sans cesse.
Carte et Plan de Bikaner
Localisation de Bikaner
Bikaner se situe dans la partie nord-ouest de l’État du Rajasthan en Inde, aux portes du désert du Thar, non loin de la frontière avec le Pakistan. Reliée par route et par train à Jaipur, Jodhpur et Jaisalmer, elle forme avec ces deux dernières le triangle du désert.
À environ 220 km au nord de Jodhpur et 300 km de Jaipur, Bikaner est à l'écart des circuits plus touristiques, ce qui lui permet de conserver une atmosphère plus authentique et moins fréquentée.
Plan de la ville de Bikaner
Le plan ci-dessous vous permet de repérer les trois sites touristiques de Bikaner, au centre de la ville et aux alentours. Les deux hébergements que je vous recommande sont à deux pas du fort : l'extravagant hôtel Bhairon Vilas ou l'élégante Calvari Villa.
Que faire, voir et visiter à Bikaner
Voici les principaux points d'intérêt de la ville, entre les monuments qui racontent l’opulence des maharajas et les scènes d'un quotidien qui perpétue les traditions.
Les Havelis du vieux Bikaner
J'ai commencé ma découverte de Bikaner par le quartier des havelis. Les havelis sont les anciennes demeures des riches commerçants, construites entre le 15ᵉ et le début du 20ᵉ siècle, à une époque où la ville était une importante halte sur les routes de la soie, de l'opium et des épices. J'ai eu le sentiment d'être au cœur de quelque chose de très ancien, tentant de m'imaginer l'époque où les caravanes de chameaux, chargés de denrées venues d'ailleurs, venaient faire une halte dans la ville.
La richesse des marchands issus des castes supérieures, été affichées via les façades et intérieurs de leurs demeures richement sculptées et décorées, rivalisant parfois en beauté avec les palais royaux.
Le plus emblématique des havelis de la ville est le complexe des Rampuria Havelis, vastes demeures construites par la famille Rampuria, une puissante dynastie de marchands de Bikaner. C'est un ensemble de neuf maisons adjacentes en grès rouge, sculptées et ciselées avec finesse.
Les passionnées d'architecture se régaleront à contempler la foule de détails minutieux qui s'y cachent.
Ce qui rend l'Inde unique en son genre, c'est qu'au pied de ces véritables palais, les ruelles sont un joyeux bordel, composé de vaches qui barrent la route, de scooters qui les contournent et de fils électriques douteux qui pendent au-dessus de nos têtes.
Le Fort Junagarh
Puisque quasiment chaque ville clé du Rajasthan abrite un fort, j'ai visité celui de Bikaner qui plonge dans l’histoire médiévale avec ses murailles. Contrairement à la plupart des forts du Rajasthan, celui-ci n’est pas perché sur une colline, mais construit au milieu de la ville. Le Junagarh Fort, construit à la fin du 16ᵉ siècle, est une forteresse imposante de l'extérieur, qui, derrière ses allures de château défensif, abrite un joyau d’art royal. Ses intérieurs sont décorés de miroirs, de fresques et de plafonds sculptés : le luxe des maharajas dans toute sa splendeur !
Plusieurs chefs royaux se sont succédé ici, chacun ayant voulu apporter une touche personnelle à la hauteur de sa richesse.
Le résultat est donc démentiel, le Junagarh Fort est orné à l’extrême !
Il n'y a pas le moindre espace qui ne soit pas recouvert de prouesses artistiques et de richesses. J'ai visité une enfilade de salles et de cours, chacune ornée à sa manière, mais toutes rivalisant de beauté. À force de visiter des palais du Rajasthan, on finit par trouver ça "normal", une pièce recouverte de pierres, de dorures, de fresques, de miroirs ou de bois finement sculpté, du sol au plafond !
Les pièces à ne pas manquer sont le Chandra Mahal (le palais brillant), le Phool Mahal (le palais des fleurs), le Karan Mahal (Le palais de la raison), l’Anup Mahal (le palais suprême), ou encore le Badal Mahal (le Palais des nuages).
Au niveau du mur de la porte Daulat du fort, je suis tombée sur des "sati handprints", une série de mains gravées dans la pierre, chacune ornée d’une fleur fraichement déposée. On m’a expliqué leur funeste histoire : chaque main représente une femme, veuve d'un guerrier, qui avait choisi de s'immoler par le feu pour mourir avec lui ! Une tradition aujourd’hui révolue, mais dont la troublante empreinte reste figée ici.
Infos pratiques
Tarif : 300 roupies (3 euros) l'entrée pour un adulte étranger
Ouvert de 10h à 16h30 tous les jours
Prévoir 2 heures minimum pour une visite guidée
Les rues de la vieille ville de Bikaner
En sortant du fort, j’ai plongé dans l’animation des ruelles. Entre les vaches nonchalantes au milieu des façades rouges finement ciselées et les fils électriques entremêlés, c'est là que j'ai vécu mes meilleurs moments à Bikaner.
Le long des ruelles, les commerçants, assis en tailleur à même le sol ou sur des tabourets souvent très bas, font chauffer des litres d'huile devant des hommes impatients de gouter à la friture. Plus loin, ils repassent des étoffes dans un minuscule local ouvert sur la rue, remettent en place les fruits de leurs étales ou réparent des motos. Et à côté des paquets de chips et des doses de shampooing, sont installés des "Kathputli" (marionnettes traditionnelles), de l'encens et des offrandes.
À Bikaner j'ai fait deux pauses hydratantes, une première pour "le meilleur sirop de la ville" au "Chunnilal Sharbat", une véritable institution sur la Old Jail Road. Choisissez votre saveur ; rose et jasmin étant les plus typiques.
Seconde pause drink, cette fois-ci pour un jus de canne à sucre préparé avec une vieille machine grinçante (bu tiède puisque les glaçons indiens sont fortement décommandés).
Le temple Jain Seth Bhandasar
Situé au cœur de Bikaner, ce temple jaïn a été construit par un riche marchand du 15ᵉ siècle. Ce dernier a érigé ce temple en l'honneur d'un vénéré maître jaïn nommé Sumatinathji, figure spirituelle ayant "transcendé le cycle des renaissances pour atteindre le nirvana". L’un des plus anciens lieux de culte de Bikaner, il attire de nombreux fidèles venus de tout le pays. Ultra-coloré et photogénique, il est réputé pour la finesse de ses fresques, ses peintures à la feuille d’or et ses piliers richement décorés. Attention, il ferme tôt, j'ai donc tristement raté cette visite.
Infos pratiques
Tarif : 300 roupies (3 euros) l'entrée pour un adulte étranger
Ouvert de 10h à 16h30 tous les jours
Prévoir 2 heures minimum pour une visite guidée
Le temple des rats (Karni Mata)
À Deshnok, à 30 km du centre de Bikaner, le temple de Karni Mata est réputé pour être l’un des lieux les plus insolites du Rajasthan. Il abrite plus de 20 000 rats sacrés, protégés et nourris par les croyants. Je n'ai pas pu y aller (j'ai été invitée à des fiançailles locales !), mais on ne m'en a dit que du bien !
Consacré à Karni Mata, sage vénérée depuis le 14ᵉ siècle comme une incarnation de la déesse Durga, ce temple est associé à une légende. Elle raconte que Karni Mata aurait imploré le dieu de la mort (Yama) de ramener son fils à la vie. Yama aurait accepté, et tous les descendants de la lignée de Karni Mata ont alors repris vie, sous forme de rats. Ces animaux, surnommés kabbas, se pavanent tels des pachas entre les offrandes qui leur sont destinées. Selon la tradition, croiser un rat blanc est un signe de chance exceptionnelle, les fidèles viennent donc dans l'espoir d'en apercevoir un. Déconseillé aux musophobies :)
Infos pratiques
Entrée gratuite (donations bienvenues)
Horaires : tous les jours, du lever au coucher du soleil
Durée de visite : environ 1 heure
Les chaussures sont interdites à l’intérieur, prévoyez de marcher pieds nus
Bikaner, capitale des dromadaires
L'histoire de a ville mérite d'être connue. Bikaner fut fondée en 1488 par un fils de maharaja et prince rajput. Son père, Jodha, était le créateur de la ville de Jodhpur. Ensemble, père et fils ont dompté les terres arides pour y établir les deux villes qui sont devenues prospères. À l’époque, les dromadaires étaient vitaux pour survivre dans le désert du Thar. Ils servaient de moyen de transport robustes et fournissaient du lait, de la laine et de la viande. Ils transportaient même les armées rajpoutes et leurs armes et provisions. Sans eux rien n'était possible. Le dromadaire valait de l'or. Bikaner est alors devenu un véritable centre d’élevage de dromadaires. Les dromadaires que l’on voit aujourd’hui à Bikaner ont été introduits il y a plus de 2000 ans, arrivant depuis l’Arabie et la Perse par les anciennes routes commerciales.
Ici, le dromadaire est poétiquement nommé le "navire du désert".
Le centre de recherche sur les chameaux
L’"ICAR - National Research Centre on Camel" est un site consacré à l’élevage, à l’étude et à la préservation des chameaux. Il est ouvert aux touristes et est situé dans la zone de Jorbeer, à 8 km du centre de Bikaner. Il abrite plusieurs enclos où l’on peut observer différentes races de chameaux, ainsi qu’un petit musée et des expositions présentant leur histoire et les travaux menés sur place. Des démonstrations expliquent les méthodes d’élevage et les usages du lait et de la laine. La visite se fait librement ou avec un guide, et dure environ une à deux heures. La spécialité du lieu : la glace au lait de chamelle.
Le festival des chameaux de Bikaner
Il faut dans l'idéal visiter Bikaner en janvier, quand le fort de Junagarh se transforme pour le "Bikaner Camel Festival" en un véritable théâtre à ciel ouvert. Parade de chameaux parés de tissus, de guirlandes et de pompons, musiques militaires et traditionnels, démonstrations des "talents" des chameaux, mais aussi les très attendues compétitions de moustaches et de turbans !
Cette célébration financée par l'office du tourisme de la ville, est un acte de gratitude envers celui qui a permis à Bikaner de s’épanouir malgré les rudes conditions du désert.
Excursions dans le désert
Depuis Bikaner, plusieurs agences locales organisent des excursions dans le désert du Thar. Ces sorties peuvent durer quelques heures ou s’étendre sur plusieurs jours, avec des nuits en campement. Elles se font généralement en véhicule tout-terrain et incluent des visites de villages, des spectacles folkloriques et des repas traditionnels.
Les concours de moustache de Bikaner
Au Rajasthan, la moustache est bien plus qu’un simple style : c’est un symbole de fierté et d’identité. Bikaner compte l’un de ses représentants les plus célèbres, Girdhar Vyas, surnommé "le roi de la moustache", qui cultive depuis 1985 une moustache longue de plus de 11 mètres.
Symbole d'une forme de célébrité, des hommes de Bikaner ont suivi son exemple et concourent chaque année au Festival du chameau qui récompense la plus longue moustache. Il n'est pas rare de croiser dans Bikaner un homme avec une moustache si longue qu'elle est ingénieusement tressée. Certains vainqueurs affichent parfois les photos de leurs records de moustaches sur leur maison !
Où loger à Bikaner
Pour profiter pleinement de l’atmosphère de Bikaner, rien de mieux que de séjourner dans une adresse qui a du caractère. Je vous en propose deux, très différentes.
Bhairon Vilas
Bhairon Vilas est un lieu à part, un royaume fou, une caverne d'Ali Baba qui n'en finit pas, des chambres royales imparfaites et surprenantes. On a l'impression que chaque pièce est habitée, tant le décor donne une identité prenante à chaque recoin. Si vous aimez les lieux insolites, vous adorerez découvrir l'exubérante vie de Harshavardhan Singh (Harsh pour les intimes). Cet homme à la barbe blanche, habillé comme un prince, est l'arrière-petit-fils d'un ex premier ministre.
On m'a même lu les lignes de la main dans le bar privé du propriétaire, une taverne sortie d'un monde imaginaire, un décor parfait pour un film d'Indiana Jones.
Cavalry Villa
J'ai passé ma seconde nuit à la Calvari Villa, une superbe demeure traditionnelle tenue par un couple attachant : Mahendra Singh, ancien colonel de l’armée indienne, et son épouse Bhawna, passionnée de musique et d’art. Tous deux ont transformé cette maison héritée de l’histoire familiale en un lieu luxueux et chaleureux. Dans leur salon, les murs sont couverts de photos avec des chefs d’État, mêlées à une multitude de souvenirs intimes. Contrairement à certaines familles indiennes plus strictes, ils respirent la modernité, l’ouverture et une pointe de rébellion qui m’a tout de suite plu. Ma chambre, spacieuse et confortable, était ornée d’objets artisanaux et de décorations colorées.
Chez eux, j’ai eu la chance d’assister à des fiançailles grandioses et ultra kitchs. Les cérémonies s’enchaînaient, les cadeaux affluaient par centaines, et la musique traditionnelle accompagnait les femmes qui dansaient avec pudeur. L’atmosphère, à la fois opulente et solennelle, oscillait entre faste et austérité des rites.
Reading this reminded me of when I explored narrow streets in Jaipur with a friend. We treated it like one of our 2 player games, trying not to get lost while discovering hidden gems and local flavors at every unexpected corner.